Les méthodes de Voltaire

Et si on employait les méthodes de Voltaire (philosophe du XVIIIe siècle, auteur de L’Ingénu et de Candide) pour critiquer les dysfontionnements de notre société? 

Voici en quoi consistent ces méthodes:

  • choisir quelque chose à critiquer dans notre société
  • choisir un personnage à l’image du «bon sauvage» qui assure un regard extérieur sur la société contemporaine
  • méconnaissance totale des conventions actuelles de la part de ce personnage
  • “fausse naïveté” et capacité du personnage de poser les bonnes questions pour faire réfléchir le lecteur
  • privilégier le dialogue
  • utiliser l’ironie pour amuser le lecteur et mettre le doigt sur les problèmes

Nous publions quelques textes rédigés par des élèves de la classe 6i:

Madame Isola

Le son de l’hologramme qui s’est allumé réveille madame Isola : « Bonjour madame Isola. Il est 06:15 heures. Il fait 39 degrés, la température maximale d’aujourd’hui sera de 63 degrés, la température minimale de 39. Les actualités du monde connecté sont : Encore un acte de terreur des déconnectés contre le Parlement mondial de connectivité. Mais il n’y a aucune raison de s’inquiéter. 1783 morts jusqu’à présent de la maladie extrêmement contagieuse le virus de la chenille. Mais il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Dans le secteur C : 82 il y a de la cybercriminalité de plus en plus fréquente. Mais il n’y a aucune... »

Légèrement énervée, elle se lève et laisse glisser ses doigts sur l’écran pour éteindre l’alarme.
La sonnerie continue.
Elle tape sur l’écran avec de plus en plus de force.
La sonnerie continue.
Un pop-up lui annonce qu’il y a un changement de température et des mouvements pas loin d’elle. Un appuyant sur un bouton, elle fait sa gymnastique matinale dans sa chambre.
La sonnerie s’éteint. Quelqu’un frappe à la porte. On entend une voix basse. « Je m’excuse de devoir vous déranger. Je ne vois aucune autre maison que la vôtre. De plus, je ne rencontre personne dans la rue. »
Lentement, madame Isola croit avoir compris la situation. Sûrement que c’était son meilleur ami Blogger 99 du secteur X : 03 qui voulait lui envoyer cet hologramme effrayamment ennuyant pour lui rappeler qu’elle était encore une fois en retard pour l’école en ligne. Alors, elle programme une épée de réalité virtuelle pour taper sur la tête du fantôme. N’est-ce pas génial qu’elle puisse appliquer ce qu’elle venait d’apprendre la veille ?  Il est trop dommage qu’il n’y ait personne pour observer son succès immédiat. « Oh, là là ! Qu’est-ce qui s’est passé ? Où est tout le monde ? En quelle année sommes-nous ? » La voix tente de reprendre son discours. Madame Isola désespère et ouvre la case « Terminer la simulation ». Madame Isola crie dans l’oreille du monsieur qui apparait devant elle, toujours dans l’idée de l’hologramme. L’homme mystérieux se bouche les oreilles. Irritée, elle arrête ses mouvements et pense à haute voix : « Quoi ? D’habitude il n’y a aucun problème de terminer la simulation de cette manière… » Encore plus irrité à son tour il demande : « Quoi ? Je ne sais déjà pas de quoi vous parlez ? Et c’est quoi une simulation ? Deuxièmement, je crois être un être humain. »

« Donc, vous êtes … vous êtes… réel ? » Madame Isola prend un air surpris

« Oui… ? Vous ne l’êtes p.. ? » Avant qu’il puisse finir de répondre, elle se précipite de prendre son désinfectant et y plonge l’intrus. « Aïaïaïii. Vous voulez m’expliquer pour quelle raison j’ai mérité ce genre d’hospitalité ? »

« Mais d’où, bon Dieu, est-ce que vous sortez ? Évidemment que je prends mes précautions. N’écoutez-vous pas les actualités ? Ahhhhhh, mais c’est clair… Vous êtes un déconnecté !! »

« Pardon ? Je suis euh quoi ? Je me sens très en connexion avec vous, non ? »

« Mais non… Ce qu’on a ici n’est pas une vraie connexion. »

« Ah bon ? »

« Montrez-moi votre poignet ! »

« Euh... D’accord ? Encore des précautions ? » Madame Isola mettant des gants isolants, lui prend la main et l’examine avec grande attention. Elle lui tourne le poignet dans toutes les directions. Elle le regarde sous tous les angles. Elle ne trouve pas ce qu’elle cherche. « Vous voulez donc m’expliquer ce que mon poignet dit de moi ? Ou vous voulez enfin me laisser me présenter ? »

« Donc, vous êtes assurément un déconnecté »

« Madame, je vous assure que je ne suis ni connecté ni déconnecté. Je ne suis qu’un homme. Expliquez-vous, s’il vous plaît… »

« Les déconnectés ont enlevé leur puce de connexion et d’identification qui se trouve normalement dans le poignet. Ils n’utilisent pas les possibilités technologiques de notre temps et s’isolent complètement de la société connectée. Et vu que vous n’avez pas de puce électronique : Vous êtes un de ces outsiders. »

« Euh… Il est vrai que je ne porte aucune puce, mais madame comprenez quand j’étais né il n’y avait point de puce électronique… Je ne connais les puces que d’une manière très désagréable… »

« AHHHH monsieur vient du passé alors. »

« Cela dépend de ce qu’est le présent. »

« Vous voulez me faire marcher... Est-ce que vous me prenez pour une conne ? On est en l’année 2222 et vous le savez aussi bien que moi. »

« Attendez. 2222 ? Ça fait...  (Il parle de plus en plus d’une voix basse.) Ça fait 304 ans. – J’AI 304 ANS. Je suis sûrement l’homme le plus âgé du monde ! »

« Vous avez l’air très jeune alors pour un homme de votre âge. »
« Vous ne me croyez pas. »

« Non. »

« Laissez-moi à mon tour expliquez ce qui s’est passé quand j’avais votre âge. »

« Euh, vous avez à peu près mon âge. »

« Non. Je suis né en 1918 quand la première guerre mondiale venait de se terminer. Cela n’était pas un bon moment. J’ai souvent prié de pouvoir vivre dans un autre temps. Un temps qui aurait plus d’humanité que le mien. Vous devez comprendre, il y avait beaucoup de tensions dans mon pays. Personne n’était content. Tout le monde avait peur. Et quand Monsieur Hitler a pris le pouvoir on sentait la catastrophe la plus inhumaine s’approcher. Je ne voulais pas participer à une autre guerre.  Donc, je me suis inscrit au projet d’Antarctique. Un projet secret qui cherchait un volontaire qui voulait bien se faire congeler et mourir pour un instant. Je pourrais vivre plus tard, ils m’ont promis. Mais il semble que l’équipe ne soit plus en vie… J’ai dû me décongeler moi-même, sûrement à cause de cette terrible chaleur ici. Il doit faire au moins 40 degrés, non ? Mais vous vivez toute seule, madame ? Les gens me manquent. Où sont les autres ? Votre famille ? » 

« Sur l’écran… »

« L’époque n’est pas plus humaine alors.»

(Anny et Céline, 6i, mars 2020)

 

L’amnésique

Situation:

L’amnésique entre dans le train. Il y a 12 personnes dans le wagon. Beaucoup de sièges sont libres. Les personnes sont réparties dans le wagon. L’amnésique décide de s’asseoir près d’une personne bien qu’il puisse choisir n’importe quelle place.

L’amnésique:  (Admirant la cravate et le complet noir du jeune homme)

Bonjour, je trouve que vous portez une cravate magnifique.

Personne 1: (Lisant le quotidien)

Ehmm… merci.

L’amnésique: Et, dites-moi, que faites-vous dans la vie?

Personne 1: Conseiller financier. (Reprend son quotidien)

L’amnésique: (Dirigeant son regard vers la fenêtre)

Ah, quelle belle journée! J’aurais vraiment envie d’aller nager dans le lac. Aimez-vous la natation?

Personne 1: (Hausse les épaules)

Personne 2: (Visiblement énervée, met ses écouteurs et hausse le volume au maximum)

L’amnésique: (Commence à suivre le rythme de la musique)

Oh, mais c’est super cette chanson! Magnifique, fantastique, un chef d’œuvre! 

Personne 1: Excusez-moi, nous apprécierions un peu de silence, s’il vous plaît.

L’amnésique (à part): Oh, mais pourquoi devrait-on réagir de cette manière? Je ne comprends pas l’aversion des personnes, j’ai seulement posé quelques questions afin d’entamer une conversation…

Je trouve dommage que quelqu’un veuille réclamer le silence dans un train. Pourquoi donc? Un train, c’est un lieu où on peut se rencontrer, connaître des gens, créer des liens, des amitiés.

Est-ce que c’est un crime de vouloir poser des questions? Est-ce que c’est un crime de vouloir socialiser, de vouloir être ouvert, tolérant? Pourquoi doit-on me répondre avec tant d’agressivité?

Annonce dans le train: Genève, gare centrale 

Personne 1 et 2: (Sortent du train)

L’amnésique: Vous n’avez même pas dit au revoir! 

Personne 3: (Monte dans le train)

L’amnésique: Oh, mais bonjour, ça va?

(Mia, Mariachiara, Linn)

 

Kanye West et les moines

Kanye West s’est assis en prenant une attitude arrogante. Deux moines bouddhistes l’interrogent.

Moine 1: Mais Monsieur West si vous avez tant d’argent, pourquoi vous habillez-vous de cette manière?

Kanye West: Alors, premièrement vous ne m'appelez ni Monsieur West, ni Kanye ni West. Vous, vous m’appelez Dieu.

Moine 2: Bon d’accord..., Monsieur le Dieu, pourquoi vous habillez-vous de cette manière?

Kanye West: C’est cool. Et c’est pourquoi tout le monde me respecte.

Moine 1: Ça sert à quoi?

Kanye West:  J’ai de l’argent.

Moine 1: Et qu’est-ce que vous faites pour être Dieu?

Kanye West: Je rappe. Quelqu’un m’écrit des vers, je les rappe dans le mic.

Moine 1: Et ça te fait Dieu?

Kanye West: Oui.

Moine 2: Et vos enfants, il s'appellent Jésus, et le Saint-Esprit?

Kanye West: Oui.

Moine 1: Les chaussures que vous portez, qu’est-ce qui les rend spéciales?

Kanye West: C’est exclusif, il y en a seulement 5 dans le monde.

Moine 2: Mais elles sont moches.

Kanye West: C’est cool.

Moine 2: Et pourquoi avez-vous deux sacs?

Kanye West: Ce sac est pour mon portefeuille (il le jette derrière lui), mes clés pour ma villa et mes voitures (il les jette aussi derrière lui), et ça c’est l’iPhone 12, c’est pas encore sorti mais je l’ai acheté quand même (et il le jette accidenttellement derrière lui). Et cette pochette, c’est pour mon argent, mes billets (et il jette les billets vers les moines)

Moine 1: Eeeeeeeeeh ok, mais est-ce qu’il n’y a pas ces cartes, comment elles s'appellent?

Moine 2: Les cartes?

Un spectateur: Les cartes de crédit.

Moine 1: Aaaah, pourquoi n’utilises-tu pas les cartes de crédit?

Kanye West: Parce que l’argent liquide c’est plus cool. On peut jeter les billets, avec les cartes de crédit c’est pas cool, et je peux nager dans mes billets. C’est plus cool pour les vidéos.

Moine 1: Mais est-ce que l’argent ne devient pas sale?

Kanye West: Oui mais pour un billet de 100 $ avec ma saleté il paient 200 $.

Moine 2: Pourquoi est-ce que vous portez vos pantalons si bas?

Kanye West: Parce que l’argent que j’ai dans mes poches tire mes pantalons vers le bas.

Moine 2: En tout cas, c’est moche.

(Nadia, Siddharta, Sophia, 6i, mars 2020)